Les troubles des conduites alimentaires (anorexie, boulimie, hyperphagie…) impactent fortement, entre autres, la conscience et la représentation du corps et de la voix.
La psychophonie, technique vocale fruit des recherches de la cantatrice et professeure de chant Marie-Louise Aucher, repose sur la découverte d’une correspondance entre la hauteur des sons chantés et des points de résonance précis sur le corps humain.
Cette échelle des vibrations s’étend sur quatre octaves.
En outre, pour l’émission et la réception des sons, les 5 sens sont mobilisés dans la démarche psychophonique. Dès lors, nous pouvons déjà percevoir l’intérêt de la technique dans la réappropriation du corps pour les patients atteints de TCA.
La pratique de Marie-Louise Aucher s’appuie notamment sur des vocalises exclamatives, qui vont être à même d’activer les 16 points du chanteur (elle en avait identifié 14 à l’origine), sollicités dans les expressions vocales. Ces points sont étudiés en conscience. Progressivement, les sensations s’affinent.
Comment se déroule une séance ?
Nous commençons toujours par une mise en réceptivité du patient avec un temps d’ancrage, d’auto-massages et d’auto-percussions mais aussi un travail sur la respiration, le souffle et un ajustement de la posture.
Après quoi, nous partons à la découverte de l’échelle des sons, en commençant par la tête et en allant vers les pieds. Il s’agit d’abord de prendre conscience de gestes spontanés facilitant la perception des vibrations.
Une fois le geste spontané conscientisé, nous le déclinons sous forme d’une vocalise exclamative, élaborée par Marie-Louise Aucher.
Lorsque les vibrations sont mieux perçues par le patient, nous recherchons à les percevoir dans un chant.
Ce travail sur la perception des vibrations est mené par étape, depuis l’étage cérébral (tête) jusqu’à l’étage d’équilibre statique (jambes / pieds), en passant par l’étage affectif (thorax) et l’étage végétatif et sexuel.
Lors de la séance, nous accentuons le travail autour du diaphragme et de la respiration abdominale.
En effet, le diaphragme permet de réguler à volonté le débit du souffle, sa force et sa durée. La respiration abdominale est en outre la respiration qui favorise la détente, la relaxation.
Ainsi, nous conduisons le patient vers un apaisement émotionnel auquel il n’est pas habitué.
Les patients atteints d’anorexie sont généralement dans l’hyper-contrôle, le lâcher-prise leur paraît donc impossible. En nous appuyant sur les fondements de la psychophonie, nous cherchons à favoriser une nouvelle prise de conscience du corps et de son lien avec la voix, élément caractéristique de notre identité.
Nous favorisons également la détente, l’apaisement des angoisses. Les exercices conduits en séance peuvent facilement être repris par le patient seul, notamment lorsqu’il sent l’angoisse monter, avant qu’elle ne s’installe. Il dispose ainsi progressivement d’une meilleure capacité à accueillir l’émotion et à en maîtriser les effets négatifs éventuels.
Enfin, en passant par le chant, nous favorisons chez le patient, sur le plan physiologique, la libération de deux hormones : l’ocytocine (hormone dite de l’attachement, de l’amour) et les endorphines (plaisir). La sécrétion de ces hormones a pour conséquence d’abaisser le taux de cortisol, hormone dite du stress, qui perturbe le fonctionnement des rythmes biologiques et la qualité du sommeil.
Les retours de mes patients, lorsqu’ils participent à une séance de chant basé sur la psychophonie, sont parfaitement en lien avec la description ci-dessus.
Afin d’illustrer de façon plus concrète cette approche, je vous propose de découvrir dans la vidéo ci-dessous un exercice que je propose en toute fin de séance et qui permet la descente complète de l’étage cérébral vers l’étage d’équilibre statique, tout en associant l’activation volontaire du diaphragme et la respiration abdominale.
Le patient perçoit alors pleinement la descente des vibrations et l’apaisement qui en découle.
L’exercice consiste à chanter un « yomme » arpégé sur une descente demi-ton par demi-ton sur plus d’une octave, jusqu’à ce que le son le plus grave possible pour la voix du patient se mue en souffle.
